Introduits au Portugal au 15ème siècle, ces petits carreaux de faïence font aujourd’hui partie de l’identité du pays. Sur les façades des maisons, dans les églises et les monastères, sur les murs des palais, ornant des fontaines, décorant des salles de bain et même des gares et stations de métro, les azulejos font partie du quotidien portugais. Bien qu’ils ne soient pas une invention portugaise, c’est au Portugal que les azulejos sont utilisés de façon plus imaginative et cohérente que dans n’importe quel autre pays.
Non seulement décoratifs, les azulejos étaient également utilisés comme éclairage à une époque où la lumière provenait à peine des lampes à l’huile et des bougies. La glaçure des faïences reflète la lumière d’une façon unique, étant capable d’éclairer une salle entière à l’aide d’une seule bougie. Au Portugal, on les emploie sous des formes innovatrices; ils sont décoratifs et une excellente forme de communication, ainsi qu’une solution hygiénique et thermique pour les immeubles. Aujourd’hui, ils sont une partie essentielle de l’architecture du pays.
Le terme azulejo vient du mot arabe al-zuleij, qui signifie “pierre polie”. Les Maures ont introduit ce terme dans la péninsule ibérique, mais, en dépit de la longue présence des Maures, les azulejos ont été introduits au Portugal par l’Espagne au 15ème siècle, bien après la reconquête chrétienne du territoire.
Au Portugal, la technique de fabrication des azulejos en faïence est apparue à Lisbonne vers 1560. Les couleurs dominantes étaient le bleu, le jaune, le vert et le blanc, mais au 17ème siècle, de grands panneaux d’azulejos, utilisés comme des tapisseries, sont peints en blanc et bleu, les couleurs à la mode à l’époque des Grandes Découvertes, résultant de l’engouement des portugais pour la porcelaine chinoise. Ce goût pour l’exotisme a fort marqué le monde artistique lusitain et se retrouve souvent sur les devants d’autels d’églises, inspirés par les tissus qui arrivaient d’Inde et de Chine, et sur des panneaux, illustrant des mondes inconnus remplis d’animaux exotiques.
Les premiers azulejos fabriqués à Lisbonne furent posés à la Quinta da Bacalhôa, à Azeitão, marquant un tournant dans l’évolution de l’azulejaria portugaise au 16ème siècle. Ces pièces furent façonnées suivant la technique majolique, provenant d’Italie, qui consistait à peindre directement sur la faïence sans que les couleurs, cuites à haute température, ne se mélangent, favorisant ainsi l’introduction de nouveaux thèmes et motifs ornementaux.
L’azulejo est une des expressions les plus caractéristiques et emblématiques des Arts décoratifs portugais, ayant leur propre style de peinture et d’iconographie. Les Portugais les innovent avec des représentations de scènes religieuses, racontant des histoires, transmettant un message, et créant les premiers panneaux décoratifs pour escaliers. Les “patrons” composés de modules répétitifs se développent dans l’azulejaria portugaise, ils produisent de plus grandes images, qui peuvent être vues à plus longue distance.
C’est n’est qu’à partir du 18ème siècle que les azulejos sont utilisés dans la construction, pour leurs qualités hygiéniques, imperméabilisantes et thermiques, lorsque le Marquês de Pombal découvrit les “normes” hygiéniques anglaises et les appliqua au Portugal. C’est également au 18ème siècle qu’apparaissent des productions, considérées comme étant les plus originales de l’azulejaria portugaise: les figures d’accueil. Celles-ci représentent des valets, des soldats ou des dames qui, placés en des lieux stratégiques, comme des paliers, cours ou jardins, accueillent les visiteurs à leur arrivée ou les saluent à leur départ, d’un geste ou avec une phrase.
La plus grande et plus remarquable collection d’azulejos portugais se trouve naturellement au Musée de l’Azulejo, à Lisbonne. Situé dans l’ancien couvent de Madre de Deus, fondé en 1509 par la reine Leonor de Lancaster, le musée suscite deux intérêts particuliers: sa richesse architecturale et sa collection exceptionnelle d’azulejos.
L’architecture noble et la décoration somptueuse des lieux sont impressionnantes. Les murs de l’église sont recouverts de panneaux d’azulejos bleu et blanc, qui curieusement ont été commandés en Hollande (vers 1698), surmontés de tableaux encadrés de bois sculpté et doré. C’est de cette beauté dite “parfaite” que provient l’expression portugaise “ouro sobre azul” – or sur bleu -, l’image de la perfection.
Le couvent qui, aux mains de l’état, avait fermé définitivement ses portes en 1872, rouvrît en 1958 à l’occasion du 5ème centenaire de la naissance de la reine Leonor. C’est à cette époque que le bâtiment subit des améliorations et que les collections d’azulejos du Musée National d’Art Ancien y ont été transférées. Considéré comme le bâtiment idéal pour y créer un musée consacré aux azulejos, soutenu par le Musée National d’Art Ancien, il devint enfin, en 1980, le Musée National de l’Azulejo.
Ici, les visiteurs peuvent découvrir la diversité du patrimoine céramique portugais, depuis les premières oeuvres apparues au 15ème siècle, jusqu’aux panneaux contemporains. Le plus beau trésor du musée est une oeuvre exposée au dernier étage; le “Grand Panorama de Lisbonne”, datant d’environ 1700. C’est un panneau de 23 mètres de long, peint par l’espagnol Gabriel del Barco, représentant Lisbonne vu du Tage, avant le tremblement de terre de 1755.
D’une certaine façon, le musée est une “perversion”, car les azulejos doivent être vus dans leur environnement et contexte original, afin que l’on puisse vraiment les apprécier et les comprendre. Au-delà de leur valeur décorative, les animaux et la flore, peints sur les panneaux, présentent un second niveau de lecture. Les fleurs, par exemple, sont le symbole de la vertu théologique de l’Espérance, et le phoenix, le symbole de l’incorruptibilité du corps du Christ.
Quant aux azulejos contemporains, il y a une vaste et fascinante collection d’oeuvres d’artistes tels que Maria Keil, Manuel Cargaleiro, Maria Helena Vieira da Silva et Querubim Lapa, entre beaucoup d’autres. L’un des plus remarquables est le magnifique panneau de Paulo Ferreira, intitulé “Lisbonne aux Mille Couleurs” – une copie du panneau que l’artiste portugais avait créé pour le pavillon du Portugal lors de l’exposition internationale de Paris en 1937.
Le vingtième siècle a donné lieu à une diversité de styles et de directions, les revêtements de céramique commencent alors à être appliqués sur les façades, encourageant le développement des techniques de fabrication industrielle d’azulejos. À cette époque le fameux céramiste Rafael Bordallo Pinheiro, de Caldas da Rainha, assimila parfaitement l’esprit de l’art nouveau, créant de nouvelles formes esthétiques et de jolis motifs en relief, avec des sauterelles et des papillons.
Dans les années 50, l’azulejo s’intègre dans des projets d’architecture moderne. Les créations de peintres qualifiés et de céramistes contemporains expriment de nouveaux langages artistiques, occupant dorénavant des espaces urbains de la vie quotidienne des Portugais, tel que le métro de Lisbonne. L’Azulejo démontre ainsi que qu’il est une forme d’expression artistique qui demeure toujours intense et dynamique dans la culture et la création portugaise.
Aujourd’hui il existe de nombreux magasins spécialisés en azulejos, du Nord au Sud du pays, offrant de superbes collections, classiques et modernes. Sintra est un bon point de départ pour les azulejos anciens, mais les maisons les plus renommées sont sans aucun doute celles de Viúva Lamego et de Sant’Anna à Lisbonne.
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